Léognan septembre 2011 – Vendange au pays de Montesquieu… même pas troublée par un été “abracadabrant” ! par Marie Christiane Courtioux
Cadaujac, Martillac, Léognan, Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.
Au pays de Montesquieu, la raison semble régner sur un des plus beaux paysages du bordelais. Croupes et vallons, demeures et chais, tout est mesuré. Prairies, bois et vignes composent un patchwork qui paraît hasardeux. Et cependant, rien ici n’est le fruit du hasard. Le découpage du patchwork bucolique se borne à figurer les caractères du sous sol. On est au Château Carbonnieux, dans l’appellation qui explose depuis vingt ans, Graves-Pessac-Léognan, le pays des Lurton, Kressman, Cathiard. L’orateur est le « patron » de l’œnologie mondiale, le professeur Denis Dubourdieu, dont le laboratoire à l’Université de Bordeaux II a tout donné à ces vignerons. Tous les secrets de la réussite du meilleur vin possible.
Je me surprends à penser, « Tous ces grands noms du vin, ils lui doivent tout ». Mais tout, c’est trop, dans ce pays qui a l’excès en horreur. Disons “Beaucoup”. Et tout à coup, comme on est loin des succès de pacotille, des célébrités d’un jour, des coups de poker et des rumeurs du temps. Le vin n’est pas le fruit d’un miracle ou d’un tour de magie. Denis Dubourdieu a choisi les blancs, parce que le blanc à Bordeaux n’était pas la couleur la plus réussie et la plus noble. L’exercice consiste à démontrer que ces blancs de Pessac Léognan sont devenus des grands, et qu’ils ont conquis une personnalité qui les distingue, et les place au-dessus de tout ce que Chardonnay, Sauvignon ou Sémillon, peuvent produire d’excellent dans le monde. Ici le cépage dominant est le Sauvignon.
On capte au passage que le vin est le meilleur lorsque la vigne est plantée à la limite nord de ses capacités à murir. A Léognan, on n’est donc pas à la limite Nord du Sauvignon. Plutôt représentée par le terroir de Depardieu ! Plus de soleil, plus de chaleur, maturation plus rapide…il faut jouer de tous ces facteurs. C’est tout l’art de ces vignerons, aidés par les travaux de recherche de M.Dubourdieu, mais aussi les compétences et le feeling de Wine-célèbrités telles que Michel Rolland. Bref… Ici, les meilleurs sont à l’œuvre. La dégustation qui s’ensuit est passionnante, faisant ressortir les étapes de la transformation du jus de fruit en bouquet, l’intrusion du bois, le moment où il se fond pour apporter du corps, et non de l’amertume… Onze étiquettes ont été ainsi dégustées, pour une découverte au fil d’une aventure insoupçonnée. Un Clos Floridène 1996 – la propriété de Denis Dubourdieu – amène cette révélation : « C’est celui dont je suis le plus fier. Celui qui a « taclé » les bourguignons victimes cette année là d’un vieillissement prématuré. Se prémunir du vieillissement oxydatif, c’est la priorité des vinificateurs de blancs ! » Elle se termine sur un Château Bouscaut, un cru classé de graves 1987. Le nez du premier abord semble ingrat, voire franchement désagréable. On l’oublie quelques instants pour apprécier un La Louvière 2001. A la deuxième dégustation, le Bouscaut embaume et tapisse la bouche d’une cuillerée de miel. Extase ! En 1987, Denis Dubourdieu fait observer qu’il n’y était pour rien.
Au passage, on aura noté quelques aphorismes Dubourdiens : Pourquoi l’Europe produit de meilleurs vins ? Parce que nulle part ailleurs on ne retrouve de calcaire. Pour les blancs, tout se décide avant la fermentation. Au pressurage et à la clarification des moûts. Les rouges sont plus dépendants de la cuvaison. Les plus grands millésimes pour les rouges, ne sont pas les meilleurs pour les blancs. Découverte et dégustation sont deux aventures différentes. Pour bien déguster, il faut avoir découvert aidé par les conseils d’un connaisseur. De même que pour la musique ou le foot. Le fruit, c’est surtout intéressant pour le jus de fruit ( DD sourit. Il cite Bettane !) L’impression de réduction, ça passe vite…comme la jeunesse. Le goût d’oxydation, ça ne passe jamais et ça s’aggrave ! Ici comme au cinéma, la technique est destinée à se faire oublier. Ce ne sont que des moyens pour permettre aux créateurs d’assouvir leurs gourmandises.
Et le 2011 ? 2011, sur le plan climatique aura été une année « abracadabrante » ( Les confrères étrangers dressent l’oreille et demandent la traduction). Un premier été en avril, un automne en août, un nouvel été en septembre…La vendange n’a jamais été aussi précoce. Vendanges terminées avant la fin septembre en Sauternais, ( on est actuellement à 65 jours de la véraison) c’est du jamais vu. Ce sera l’exception : pour les Barsac-Sauternes, la concentration est au-rendez vous sans volonté particulière de la rechercher.
Pour les autres, cette année aura été extrêmement précoce, mais rien de comparable avec des années chaudes ( par exemple 1982 ). On a une acidité typique d’un été frais. Au final c’est l’été frais qui l’emporte sur la précocité. Dans ces conditions atypiques, il sera difficile de faire un grand millésime ! Les merlots d’argile seront meilleurs que les merlots de sable ! Ce qui n’exclut pas la probabilité de bouteilles « intéressantes ». On se souhaite de tomber dessus !
(A suivre)
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