Stéphane Carrade © Olivier Harrassowski
Ici tout est blanc, miel, ambre, simple, chaleureux, et reposant, désuet, poétique, juste ce qu’il faut. A la nuit tombée, à travers les petits carreaux multicolores, la chaleur est communicative. La restauration du mythique Hôtel Haïtza – rebaptisé Ha(a)itza par le génial décorateur Philippe Starck- est une véritable mise en lumière.
Dans le « séjour », de petits abat-jour roses volantés diffusent un climat de sérénité. Sans compter la Pâtisserie de Famille signée Anthony Prunet, toute la journée, selon les heures, on peut y prendre petit déjeuner, brunch, collation, snack, salade, bruschetta, œufs à la truffe, légumes à la croque sel, avec un œil intéressé sur l’effervescence de la cuisine ouverte. « Ici on fonctionne à la new yorkaise, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et c’est notre point fort » précise le chef Stéphane Carrade.
Hôtel Ha(a)ïtza restaurant gastronomique Le SKiff
Le luxe est dans les allusions les plus discrètes du décor : masques africains de bois blanc, plus de cent, alignés dans leur immobilité énigmatique, au dessus de la bibliothèque de vrais livres et de la grande banque de métal. Même sobriété rare au plafond de la veranda-salle à manger, en forme de club select d’aviron anglais : un skiff bien lustré qui semble attendre ses champions. Et sous les pieds, une moquette de couleur miel, cartographiée en forme de Bassin d’Arcachon. Stéphane Carrade, son tablier noir, son sourire franc de béarnais, est si jovial, en maître de maison, à la tête de sa petite brigade de huit et de son commando de serveuses stylées et décontractées, qu’on pourrait les croire ici de toute éternité. C’est pourtant une aventure express !
En mai 2016, celui qui s’est fait connaître par ses deux étoiles surprise « Chez Ruffet » à Jurançon, puis à la Guérinière, sa première étape sur le Bassin, termine son cycle bordelais, Grand Hotel et Brasserie du Régent, Petit commerce, sur une expérience mitigée. William Téchoueyres qui le suit depuis longtemps, populaire rugbyman reconverti en homme d’affaires, lui propose de prendre les commandes du « nouvel » Ha(a)itza. L’hôtel est lié au souvenir historique de Louis Gaume, cofondateur, dans les années 25- 30, d’une nouvelle station chic, Pyla sur Mer. Lorsqu’arrive Stéphane Carrade, dans un bâtiment encore en travaux, il est question de brasserie élégante et branchée.
Quelques heures plus tard, il s’agit de gastronomie. Avec un objectif, ouvrir dès le mois de juillet. « On a cravaché. J’avais retrouvé l’esprit, la continuité avec Chez Ruffet, la maison à taille humaine, plus le potentiel de clientèle qui permet de choisir les meilleurs fournisseurs, d’exercer sa créativité, pour une cuisine que j’appellerais d’un « terroir progressif … Que des produits de qualité, du terroir proche, naturellement tout bio, que j’agrémente de petits assaisonnements pleins de parfums et de saveurs apprises à Londres, à la Réunion. Plus rien à voir par rapport à 1998 ! » Et d’ouvrir le petit carnet de recettes qu’il a l’habitude de laisser traîner pour que sa jeune brigade ait la curiosité de découvrir ses prochains défis. « Par là-dessus, après quelques mois à peine, nous est tombée l’étoile ! Et notre pâtissier Adrien Salabert est en route pour la finale du championnat de France à Nancy… »
Ici, on vise l’excellence. Au Skiff Club, pas de carte de saison. Mais un renouvellement permanent des propositions saisonnières, quatre entrées, quatre plats, quatre desserts, au gré des arrivages. Côté marée, les criées d’Arcachon et La Cottinière : l’une pourvoit aux espèces locales, retour de pêche au chalut; l’autre aux belles pièces prises à la ligne. Pour les accompagner, les « petits légumes sont les stars de l’assiette ». Grace à la production de la famille Bastelica à Verlus (32 Gers), du Gaec Saint Vincent et d’autres maraîchers, renommés pour leurs légumes et herbes bio, carottes et pois, graines et feuilles de moutarde, asperges vertes et blanches reprennent couleurs et saveurs.
Hôtel Ha(a)ïtza Salon © Nicolas Anetson
Cette saison, l’ail nouveau d’Egypte, permettra de renouer avec la vieille recette traditionnelle du tourin, bouillon parfumé des familles du pays gascon. En revanche, pas de canard gras, préventivement retiré du marché, mais des cailles, des pigeons de Mme Le Guen, des volailles Biraben du Béarn, du « cochon noir de Biscaye » de chez Pécastaing, du veau sous la mère de Lacanau de Mios ! « Ici on est solidaire. On n’ira pas chercher ailleurs le canard, on soutient nos producteurs fidèles. » Après une bouchée homard-caviar-œufs de poisson volant, explosive en bouche, les pousse-pieds à la mayonnaise chlorophylle – « juste un clin d’œil marin ! », une boulette de foie gras aux graines épicées, l’appétit est en éveil. Même le beurre a le goût de la ferme. Sur une table blanche, dépouillée, assiettes au liseré argent, couverts chinés à Toulouse et repatinés, verres à dégustation au profil idéal, on peut s’attendre à une cuisine « d’auteur » et surtout de caractère. Huître 55°, petits légumes bio, consommé de rouget grondin. Toute l’iode du Bassin. Filet de caille, morilles, petits pois et tuiles ail et miel. Langoustine, haddock, raviolis de poulet à la bisque de crabes verts. Suprême de pigeonneau, cuit au lait cru et au rhum, entre carottes glacées à l’orange sanguine et mousseline de pommes de terre au lait de coco. En dessert, la désormais célèbre tarte citron meringuée « Ha(a)itza » d’Adrien, et les mignardises délicates, ananas en brunoise, chantilly vanille rhum…comme à la Réunion de son cœur.
La cuisine de Stéphane Carrade a gagné en assurance et en audace, ouvrant, sur la base d’un terroir de Gascogne et de Bigorre, d’incessantes échappées belles vers d’autres horizons. Lui même a repris le cours de son propre voyage. On retrouve un chef épanoui, qui, du coup, sait transmettre ce bonheur à ses équipes et à ses hôtes. Côté cave, Caroline la sommelière travaille à ramener la carte de plus de 400 références à une sélection bien ciblée : quelques très grandes étiquettes incontournables, des vins du Sud ouest gascon, quelques découvertes rares pour vrais connaisseurs, un rouge d’Irrouléguy, un blanc Chassagne-Montrachet, une dame de Montrose…et bientôt une bière Burdigala locale… et autres jeunes talents !
Le Skiff Club à l’Hôtel Ha(a)ïtza – Stéphane Carrade
1, avenue Louis Gaume
33115 Pyla sur Mer
(La Teste de Buch), France
Tél. 05 56 22 06 06
Internet: www.haaitza.com
Menus : 80 (formule), 100, 130 €
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