« L’enfant de Paris » comme la profession le nomme aujourd’hui se souvient non sans malice de tous les détails qui jalonnèrent son enfance, et en particulier quand il fourrait son doigt dans les sauces et qu’il chipait un bout de quatre quart au coin du fourneau !
Mathieu s’imprégna des effluves des casseroles au dessus de son berceau et c’était finalement pour notre bien. « Paul Magnac, membre imminent du club des Cent, m’emmena à douze ans déjeuner chez Joël Robuchon qui était alors chez Jamin, rue de Longchamp. J’étais impressionné… Ce fut pour moi la plus extraordinaire découverte de ma vie ! ».
Mathieu Pacaud © Patrick Swirc
Actuellement au top niveau du podium gastronomique de la capitale, le génie de 35 ans garde les stigmates de son apprentissage rigoureux place des Vosges. Si L’Ambroisie mit dès 1988 la barre très haute, en s’inscrivant parmi les cent plus grands restaurants du monde, la rigueur et le talent de Mathieu l’amenèrent rapidement à décrocher ses propres étoiles.
Si bien qu’aujourd’hui, la famille Pacaud n’en réunit pas moins de six au Guide Michelin ! C’est à deux pas de la Tour Eiffel que se situent Histoires et Hexagone, deux lieux à la réputation déjà prestigieuse et qui concentrent toute l’attention du jeune chef. Dans cet espace de 1000 m2, à la fois sophistiqué, simplissime et divisé en salles distinctes, s’y précipitent les épicuriens du monde entier.
Porté par la créativité qui lui appartient, le chef ne manque pas de souligner l’importance d’un apprentissage classique : « Je suis né avec les valeurs du guide Michelin, à la fois dans la tradition et dans la modernité. Si leur jugement est impartial, je dis tant mieux ! »…
Les bases culinaires du chef sont certes, celles de l’Ambroisie où il gravit peu à peu chacun les échelons jusqu’à co-signer la carte avec Bernard Pacaud. On le constate d’entrée de jeu, les plus exceptionnels produits sont cuits dans les règles, assaisonnés avec justesse, montés à la loupe. Le festival est dans l’assiette, pour preuve en entrée, l’œuf mollet en robe de cresson ou le homard bleu servi avec sa frise de légumes printaniers. Un 20 sur 20 pour Mathieu Pacaud ? On n’en est pas loin.
« Je suis attaché à l’expression culinaire dans tout ce qu’elle comporte : visuelle, olfactive, gustative… Le résultat doit être un choc de plaisirs. J’aime bousculer les stéréotypes : créer, sculpter, façonner, associer… ».
Pas de doute : l’artiste aux trois étoiles a sa signature personnelle. C’est le poète éclaireur du monde des gourmands. Un secret : si on a la chance de faire partie de son cercle intime, on saura qu’il possède mille autres facettes. « Quand j’ai deux secondes, je m’installe au piano pour faire des gammes. Je peux m’éterniser sur une étude de Chopin, voire m’échapper dans un musée pour contempler un tableau. C’est ainsi que je trouve mes repères… Voyez ce turbot à la carte, il est inspiré de Matisse ! ».
Les signes sensibles nous font souvent retrouver le temps, nous le redonnent au sein du temps perdu. Les signes de l’art, enfin, nous donnent un temps retrouvé, temps originel absolu qui comprend tous les autres (Gilles Deleuze). Le « déconstructionnisme » culinaire, selon Mathieu Pacaud est plus léger qu’un nuage. On le vérifie à tous les niveaux : textures, cuisson, émulsion. « Il est vrai que ma cuisine est moderne mais encadrée par la tradition! ».
A Histoires, on se délecte d’un sabayon aux agrumes parfaitement maîtrisé tandis que les sauces toute en justesse témoigne d’une vraie technicité. « Si nos recettes ont certes été épurées, elles n’ont pas pour autant perdu leurs bases fondamentales. Le fond de veau est un fond de veau… on ne plaisante pas avec ça ! A la carte, j’ai mis en exergue, au gré de mes envies, un commentaire, une anecdote sur le mets… J’explique d’où proviennent les produits et leurs garnitures, par exemple avec ces langoustines, caviar et Ricard de Marseille ou cet avocat tranché, tropézienne en chaud froid… Le client aime goûter et apprendre ».
Saint-Jacques by Mathieu Pacaud © Jacques Gavard
On sait ainsi que ses fournisseurs travaillent avec lui en direct, en saison et inter saison. Le poisson arrive de Bretagne, le canard de Challans, la charcuterie près du domaine de Murtoli en Corse (où il ouvrira un restaurant éphémère cet été)… Une question se pose quand même au sujet de notre chef étoilé : aurait-il pu travailler comme certains de ses confrères dans un grand hôtel parisien ? « C’est impossible car j’aime me sentir à la maison, entrer chez quelqu’un et commencer par humer les bonnes odeurs de cuisine…».
L’animateur d’une émission chefs télé réalité, peut-être ? « Sûrement pas, je suis contre ces émissions qui vous montrent que tout est facile. On est en fait aux antipodes de la vérité ! ». Il est des endroits secrets, intemporels, que seul l’imaginaire semble pouvoir pénétrer, des lieux uniques et rares qui marient luxe et simplicité, raffinement et authenticité.… A Hexagone ou à Histoires, se marient l’émotion et l’imaginaire. On démarre haut en papilles avec un fabuleux « cocktail détox » avant de défiler de surprise en surprise, de l’amuse-bouche précis au divin dessert tel une ôde à la fraise. Le charme opère tout autant en salle, où les plats sont commentés par Antoine et Julien, deux amoureux de mots et of course, de mets.
Hexagone – Histoires
85, avenue Kléber
75116, Paris, France
Tel. : +33 1 42 25 98 85
Fermé le lundi
Internet: hexagone-paris.fr
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