Depuis 1983, le rideau en velours bleu s’ouvre et se referme au bon vouloir de son exigeante clientèle. Pour rester dans la gamme des bleus, une mise en avant s’impose : un chef, un lieu : Jacques Le Divellec, cet homme hors pair, ce marin passionné par son métier. « Moi, lâcher la barre ? Jamais sinon par la force des harpons ! »… Son restaurant est en effet, à la fois ce chalutier, un yacht élégant… jusqu’au caïque grec dans lequel vient se réfugier le monde entier. « A ma table, viennent s’asseoir les politiques, les journalistes, des personnalités de tous bords et autres hôtes de passage ! » confie Jacques, 78 ans, regard plus doux qu’un ange. Dans le quartier des ambassades, les caisses contenant d’exceptionnels produits de la mer débarquent dès la première heure. elles filent dans les cuisines. Saint-Pierre, cabillaud, Saint-Jacques et crustacés frétillent dans les casseroles avant de se faire croquer sous la fourchette du gourmand. Et il n’en manque pas chez Le Divellec ! Ici, le poisson se déguste sans arêtes tel ce merveilleux rouget Barbet cuit au four avec un filet d’huile d’olive et disposé sur une assiette colorée de mousse d’épinards, persil et cresson ! « La cuisson du poisson est un vrai métronome : elle se surveille à la seconde près. voyez ces poissons, ils pèsent 150 g et donc se rôtiront 4 minutes, et pas une de plus ! » dit le maître cuisinier qui a appris à cuisiner grâce à son père, un marin de carrière, l’œil tourné vers les grands océans. Petit, Jacques Le Divellec interroge tous ceux qui traînent sur le port. Les pêcheurs sont ses interlocuteurs… combien de secrets de la mer saura-t-il recueillir… Sa grand-mère, une cuisinière experte, lui apprend le reste, c’est-à-dire le plus important : l’amour de la cuisine, et du poisson en particulier. « Savoir observer reste un art », lui dit-elle… « Mettez-y une pointe de curiosité, une cuillère d’imagination pour assaisonnement et ce, dans le but de mieux savoir encore ! » confie le grand chef.
Jacques Ledivellec © Angouillant
Jacques Le Divellec suit les cours de l’Ecole Hôtelière de Clermont Ferrand, CAP et Brevet Hôtelier en poche, il prend en gérance un premier restaurant à Paris avec deux copains. A La Bressane, on déplie avec joie son rond de serviette… Mais, hélas, la gérance est de courte durée, alors le passionné entre dans un univers où « tout reste à découvrir » : une rôtisserie sur les Grands Boulevards… Ensuite ? Pourquoi ne deviendrait-il pas réceptionniste à l’Hôtel Lapérouse ! La boucle est bouclée. Après son service militaire dans la Marine Nationale comme cuisinier du Maréchal Juin à Fontainebleau, Jacques Le Divellec entre comme cuistot au restaurant Le Grand Véfour, sous la férule de Raymond Olivier, père de la cuisine moderne. Apprendre à ses côtés l’élaboration d’une sauce n’est pas une mince affaire, mais forcément un chef d’œuvre ! En 1958 Jacques Le Divellec retourne à La Rochelle. Il achète un café hôtel restaurant baptisé : Le Chat Noir situé sur le Quai Valin, face au vieux Port. Le Chat Noir devient immédiatement Le Yatchman. Quel gourmand de la mer ne s’y réfugiera pas pour goûter à la bonne table et refaire le monde autour de vins d’excellence (particulièrement les blancs). En 1962, Jacques Le Divellec obtient une première étoile au Michelin. Dix ans après, Le Yatchman s’agrandit. Naît un autre resto tout aussi gastronomique : Le Pacha.
Jacques Le Divellec, « touche à tout », voyageur infatigable n’a de cesse que de vouloir naviguer sur la grande bleue et si possible, très loin. En 1972, il organise des semaines gastronomiques à l’invitation des établissements hôteliers internationaux. « Expliquer, raconter notre cuisine régionale française ne fut pas chose aisée, surtout à cette époque ! »… La chaîne Hilton International le couronne : Ambassadeur-Conseiller culinaire. Avec sa nouvelle casquette, -le plus extraordinaire des couvre-chefs-, il voyage en Europe : Copenhague, Munich, Bruxelles, Genève, Oslo, Madrid et Istanbul. Il s’envole aux Etats-Unis. « J’aime apporter à mes petits plats la touche gourmande du pays dans lequel je me trouve et parfois ma touche bien française : voyez ce homard breton ! ». En effet le homard breton à la queue légèrement bleue que s’apprête à cuisiner le chef est de grande fraîcheur et possède, cela va de soit ses deux pinces. Le homard sera alors coupé cru puis poêlé côté chair dans un filet d’huile d’olive avec une noisette de beurre. Ensuite, il le flambera au cognac. Jacques fera mousser à part le beurre avec de l’échalote et de l’estragon hachées, du vin blanc et de la crème. Une fois réduite, elle accompagnera à merveille le homard chaud servi comme le client en raffole.
Nouvelle Orléans, New York, de Montréal et Toronto, Jacques Le Divellec marie voyage et cuisine qu’il explique dans les règles de l’art. En Asie, à Singapour, Hong-Kong, Taipei, Tokyo, Séoul et Bangkok et sur d’autres continents : du Maghreb jusqu’à l’Afrique Noire, il enfile sa veste à la carrure internationale ! Elle formera le grand chef que nous aimons aujourd’hui. Deux étoiles tombent en 1978. Jacques Le Divellec n’a plus de preuves à fournir auprès de ceux qui aimeraient le connaître. Il cuisine toujours avec amour, avec ce même état d’esprit de bonheur qui le qualifie. Chacun poussera la porte de l’établissement et le constatera : il est là et il cuisine ! « Deux étoiles, une étoile… le client connaît mon travail, il sait comment il sera servi ! »… « J’ai donné à mon restaurant, mon nom car j’avais envie de témoigner tout le respect que j’ai vis-à-vis du client ! » dit celui qui a su s’entourer d’une brigade on ne peut plus professionnelle. Ajoutez à cela, de la simplicité, de la gentillesse et beaucoup d’attention.
Jacques Le Divellec a été choisi cette année par la Ville de Périgueux pour être le parrain du prochain Salon International du Livre gourmand. « J’en suis très honoré ! » dit celui qui ajoute une millième référence à son palmarès. Jacques Le Divellec est un chef talentueux, moqueur qui adore rire parfois dans sa barbe en regardant le Tout Paris défiler. Les amis sans chichis ont évidemment, leur rond de serviette, chez lui. Placée en bout de salle, protégée à l’abri des regards par un paravent, la table du chef peut, de par chaque angle, contrôler tout ce qui se passe. Le mur miroir est là et le bon déroulement du service, aussi ! Jacques Le Divellec est un marin averti… La mer n’est cependant jamais calme, il sait bien souvent qu’elle camoufle un volcan endormi. Enfin, ce formidable scoop : demandez à Jacques Le Divellec de vous commenter la tête de veau à la tortue qu’il cuisine. Bravo, marin, on aime ces multiples cordes à votre arc !
Jacques Le Divellec
107, rue de l’Université – (angle rue Fabert)
75007 Paris – France
Tel. : +33 1 45 51 91 96 –
Internet: www.le-divellec.com
0 Comment