Hommage à Jonnie Boer, l’âme étoilée de De Librije… Le monde de la gastronomie est en deuil. Le chef néerlandais Jonnie Boer, figure emblématique de la cuisine européenne contemporaine, s’est éteint à l’âge de 60 ans, le 23 avril 2025, sur l’île de Bonaire. Il laisse derrière lui bien plus que trois étoiles Michelin : une vision, un style, une manière d’habiter le monde à travers la cuisine.
Un parcours hors des sentiers battus. Né à Giethoorn en 1965, Jonnie Boer grandit dans un environnement façonné par l’eau et la nature. Très tôt, il est attiré par la cuisine, qu’il aborde avec instinct et respect. En 1987, il rejoint De Librije, à Zwolle. Deux ans plus tard, il en prend la tête en cuisine, et en 1992, avec son épouse Thérèse, il rachète le restaurant. Ensemble, ils en font une maison d’exception, primée une première fois par le Guide Michelin en 1993, puis en 1999, avant d’obtenir la troisième étoile en 2004. Ce triomphe le propulse comme le premier chef néerlandais à atteindre cette distinction.
Mais ce n’est pas pour les trophées que Jonnie cuisine. Ce qui l’anime, c’est la terre, le produit, la main tendue vers le vivant. Il ne cherchait pas l’originalité à tout prix, mais une vérité du goût. Une sincérité rare.
« Jonnie Boer a su faire parler la terre néerlandaise avec une sincérité qui forçait le respect. »
Gwendal Poullennec, Directeur international du Guide Michelin
Une cuisine du vivant
Jonnie Boer cuisinait comme on compose un poème. Il n’y avait chez lui ni superflu, ni fioriture. Les herbes sauvages, les racines, les légumes oubliés, les poissons d’eau douce, les fleurs comestibles : tout provenait d’un lien intime avec la nature. Il collaborait avec les agriculteurs, les maraîchers, les éleveurs, les cueilleurs. Sa cuisine exprimait un rapport organique au territoire néerlandais, qu’il magnifiait sans jamais le travestir.
Il fut l’un des premiers à croire en une cuisine durable, à défendre les produits locaux avant que cela ne devienne un argument marketing. Cette constance, alliée à une créativité délicate, a fait de lui un ambassadeur discret mais incontournable de la scène gastronomique européenne. À travers De Librije, mais aussi via Librije’s Hotel, Librije’s Atelier, et des projets à Bonaire et Curaçao, il a élargi les contours d’une cuisine sincère, ancrée dans son époque sans jamais s’y enfermer.
Librije zusje gerechten. © librije
Transmission et héritage
Jonnie Boer n’était pas seulement un chef, il était aussi un passeur. En début d’année, il avait pris la décision forte d’ouvrir l’actionnariat de De Librije à ses deux enfants, Jimmie et Isabelle, ainsi qu’au chef Nelson Tanate, formé dans ses cuisines. Ce geste, loin d’être symbolique, préparait déjà une transmission, une continuité. Il s’agissait de ne pas figer une œuvre, mais de lui donner un souffle nouveau, fidèle à l’esprit d’origine.
« Merci pour tout ce que tu m’as donné. Je vais te rendre fier, même si tu ne le verras pas. »
Jimmie Boer, fils de Jonnie
Un chef, un homme, une philosophie
Ceux qui l’ont connu parlent d’un homme doux, concentré, habité. Chez lui, tout passait par le regard, les gestes, l’attention aux détails. Il n’aimait pas les projecteurs, mais son aura en imposait. Il incarnait cette génération de chefs qui, sans bruit, ont redonné du sens au mot “cuisiner”. Chez Jonnie, la main savait, le cœur guidait.
Il laisse une empreinte indélébile, non seulement dans l’histoire de la cuisine néerlandaise, mais dans celle d’une gastronomie européenne exigeante, sincère, et profondément humaine. À Zwolle, à Bonaire, dans tous les lieux qu’il a touchés, son esprit flotte encore. Et dans chaque assiette qu’il a inspirée, il murmure une chose : cuisiner, c’est aimer.
Jonnie Boer, l’âme de De Librije s’est éteinte
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