En 2014, le jeune chef de l’Assiette Champenoise à Tinqueux, près de Reims, entre dans la légende. Il est sacré chef de file d’une nouvelle génération. Toute sa cuisine est un hommage au père et à la Champagne. Depuis ce jour du 24 février où les trois étoiles ont couronné sa maison, Arnaud Lallement reconnaît que tout a changé. Pas la maison familiale, belle et rassurante, compromis entre une grosse demeure bourgeoise de province et un hôtel luxueux à l’élégance contemporaine, mise en beauté par son ami Grégory Guillemain. Mais, le Guide Michelin l’a porté aux sommets, il le lui rend bien. « C’est un coup de fouet économique sans équivalent ».
Arnaud Lallement © Arnaud Lallement – L’Assiette Champanoise
Avec l’envolée des réservations, l’élan, l’envie, la créativité se sont trouvés décuplés.Lorsqu’il choisit de couronner un chef de ses trois macarons, c’est que le guide a décelé une cuisine d’exception, le mariage de produits de qualité confirmé par de longues années de pratique, une technique impeccable, une fidélité au classicisme « à la française ».
D’année en année, le choix est devenu plus sensible à l’audace de jeunes chefs de talent de vivre leur propre aventure avec assurance et décontraction. Assurance et décontraction, à 39 ans, le jeune chef assume. Porte-étendard de la nouvelle génération, moderne, décontractée, empreinte d’esthétique sobre, travailleuse autant que surdouée, Arnaud Lallement, incarne tout simplement une cuisine qui respire l’équilibre, la paix et le bonheur. Il puise d’abord sa force dans l’héritage familial.
Petit, à Châlons sur-sur-Vesle, il se réveille au fracas des cuisines du restaurant paternel. Dès l’âge de 5 ans, il rêve de ce guide rouge qu’il tient entre ses mains. La voie est toute tracée. Après des études à l’Ecole Hôtelière de Strasbourg, il fait ses premières armes chez l’élite et l’avant-garde du métier, les Marc Veyrat, Michel Guérard, Alain Chapel, Roger Vergé…
En 1997, il rejoint le nouvel établissement créé dix ans plus tôt, près de Reims, la cité des rois. Le père et le fils officient alors ensemble, jusqu’à la disparition de Jean Pierre en 2002, parti « beaucoup trop jeune, à 50 ans ». Arnaud a 27 ans et mesure le poids de ses responsabilités. En 2003, Alain Ducasse le remarque et l’invite à participer aux « foo-food » du Plaza Athénée.
S’ensuivent des années de travail acharné pour garder d’abord la maison vivante, puis la faire briller tout en haut de l’affiche. Pour se faire aussi un prénom. Les distinctions jalonnent ce parcours jusqu’à ce 24 février, où tombe la bonne nouvelle, en pleine fermeture. « J’ai mis du temps à réaliser ! » « Avant l’annonce nous étions soixante dix, aujourd’hui, après la réouverture, nous sommes quatre vingt-cinq, et nous affichons complet aux deux services midi et soir, soit 110 couverts par jour. Tout doit rester impeccable ».
Agneau fermier, légumes oubliés © Arnaud Lallement – L’Assiette Champanoise
Depuis la réouverture étoilée, les amoureux de saisons gourmandes se pressent pour découvrir les finesses de la nouvelle carte, une quinzaine de plats conçus et travaillés d’abord pour se marier avec les plus belles références de champagne. Plus de 600 en cave. Petits pois, jeunes carottes, fenouil, asperges, morilles et girolles de la Forêt d’Argonne, au vin jaune du Jura, autant de fraîcheur printanière à la fête dans les cuisines de « L’assiette champenoise ». Elle enchante une sélection volontairement courte de produits de la grande tradition française. Côté mer, langoustine royale, sur un lit de pulpe d’olive, turbot, bar de ligne, rendent hommage aux origines bretonnes du chef.
Côté terroir, le carré d’agneau des Pyrénées est doré en croûte d’herbes fraîches et graines de moutarde ; la poularde parée aux truffes, le ris de veau aux oignons nouveaux, joyaux du patrimoine, autant de beaux fleurons pour une assiette royale. Arnaud Lallement partage avec pêcheurs, cueilleurs, éleveurs et maraîchers, le goût des produits d’exception.
Manger vrai ! Un bel assaisonnement, une belle cuisson, dans la sobriété, en accord parfait avec les saveurs, voilà comment les respecter et leur rendre hommage.». Le homard bleu, le plus noble d’entre eux, nostalgie d’une enfance heureuse, perpétue le souvenir de ce père qui l’a pris par la main tout au long de son ascension vers les sommets de l’art culinaire. Il a la chance de pouvoir s’appuyer sur des fondations solides, comme Frédéric, le chef sommelier, 30 ans de maison ainsi qu’un second déjà présent aux côtés de son père.
« Je n’aurais pas réussi sans cette équipe fidèle de collaborateurs, de clients champenois, de fournisseurs, d’artisans, qui ont permis à la maison d’évoluer visuellement. Ces gens qui m’ont vu grandir, ce sont mes fondations à moi ! J’en ai besoin autant que des plus jeunes. ».
Entouré de son équipe et de « ses » femmes, Mélanie, Magalie, Colette, épouse, sœur et mère, Arnaud Lallement sait où il va. Chef d’entreprise, présent de 8 heures à 2 heures le lendemain matin, il trouve le temps. Celui de saluer chaque client. « Aujourd’hui la clientèle attend une véritable émotion mais surtout un lieu où on se sente bien, à l’aise, et l’objet d’une véritable attention « sur mesure ». Celui de garder un œil sur la cave : outre les 600 références de champagne. « C’est à la Champagne que je dois tout ! Je dois bien à ses vins à l’acidité remarquable, l’hommage de mes recettes. » – la cave est riche de plus de 1000 références de vins exclusivement français.
Chocolat Abricot © Arnaud Lallement – L’Assiette Champanoise
Et surtout, il en préserve beaucoup pour l’innovation en cuisine.« Après tout, c’est le plus important. 70% de mon temps : la moitié consacrée au maintien de l’excellence, l’autre à l’inspiration. Arnaud Lallement est convaincu d’incarner la nouvelle génération, la relève, celle qui a appris de la crise la contrainte économique. « Cette génération là ne refusera pas les étoiles ! ». Assurance, alliée à une séduction certaine, c’est aussi la chance de faire la Une pour réussir durablement. La télé ? « Ce sera pour plus tard ! J’ai eu en effet beaucoup de propositions pour des émissions phares des grandes chaînes. J’ai refusé. D’abord, mes confrères sont excellents, les concurrents aussi. Je suis admiratif, c’est bien monté, bien mené. Le problème, c’est le temps que ça prend. Il fallait faire un choix, j’ai privilégié ma maison. ». Pour l’instant ! Car à coup sûr, une star est née.
L’Assiette Champenoise
Arnaud Lallement
40, avenue Vaillant Couturier
51430 Tinqueux - France
Tél.: + +33 3 26 84 64 64
Fermée les mardi et mercredi midi
Internet: www.assiettechampenoise.com
4 menus : 68 euros le midi pour 4 plats,
138, 158 et 198 euros pour 11 plats.
Les plats à la carte entre 45 et 90 euros.