Clin d’oeil sur un grand roi bohême et empereur germanique, éduqué en France, créateur de la viticulture tchèque
L’histoire de Prague commence au XIV siècle et elle est étroitement liée à l’histoire d’un homme, qui a participé activement au rayonnement culturel de la ville: Charles IV, grand roi, mécène, cultivé et humaniste illuminé. C’est grâce à lui que la ville fut élevée en 1344 au rang d’archevêché, ce qui entraîne la construction d’oeuvres gothiques exceptionnelles telles que la Cathédrale Saint-Guy de Prague et le Pont Charles. C’était seulement le début de la flamboyante ascension de la ville.
La cathédrale de Prague, construite par Charles IV. – Photo Scripta Manent Monaco
Pour faire face à la croissance démographique de sa capitale, le 3 avril 1347, Charles IV signe un décret décidant la plus grande opération d’urbanisme du Moyen Âge. Il décide de réunir les divers quartiers extérieurs pour en faire une ville neuve. Monarque particulièrement érudit, en 1348 il fonde l’Université Charles de Prague, la première université d’Europe centrale et première université allemande. Prague devient ainsi la plus importante ville de l’Europe centrale. En 1355, Charles IV, devenu empereur du Saint Empire romain germanique fait de Prague la capitale de l’Empire. (Il reste empereur jusqu’à sa mort, le 29 novembre 1378). Enfin, par l’Edit de la Bulle d’Or rédigé en 1356, Charles IV affirmera les droits et l’indépendance intérieure de la Bohême et proclamera le tchèque, langue officielle du royaume. Mais qui était Charles IV? Né le 14 mai 1316, il est le fils de Jean l’Aveugle, roi de Bohême et de Pologne, comte de Luxembourg et d’Elisabeth Premyslovna, héritière par son père Venceslas II de la couronne de Bohême. Baptisé Venceslas (Vàclav en tchèque), il choisit de prendre le nom de son oncle et parrain, le roi de France, Charles IV lors de sa confirmation. Son père, Jean de Luxembourg, en conflit ouvert avec sa mère, Elisabeth de Bohême, décide de soustraire son jeune fils à l’influence maternelle: tout d’abord éloigné au château-fort de Krivoklàt, il est ensuite envoyé parfaire son éducation chevaleresque à la cour de son parrain Charles IV de France où il arrive le 4 avril 1323 et où il restera sept ans. C’est une période très importante dans la vie du futur empereur: il découvre le style français, la passion pour la bonne cuisine et surtout pour les vins d’exception. Pendant sept ans il parfait son éducation cosmopolite; il parle couramment cinq langues: le latin, l’allemand, le tchèque, le français et l’italien. Bien que mineur, il épouse une française, Blanche de Valois, grâce à une dérogation du pape Jean XXII. En 1330, il quitte la France avec son épouse, tout d’abord pour son comté de Luxembourg où reste Blanche de Valois. Le règne de Charles IV est, sur le plan artistique, le premier âge d’or de la Bohême. Charles IV, roi mécène, fait venir à Prague des artistes de toute l’Europe, qui réalisent des enluminures de manuscrits (Jean de Troppau) ou des peintures sur bois (Nicolas Wurmser). Il fait de son domaine tchèque le centre artistique et administratif du Saint Empire. Mais il garde dans le coeur les souvenirs de sa seconde patrie, la France et ses vins fabuleux. A son retour en patrie, il emmène avec lui des cépages français, qu’il fait planter en Bohême. Les terres de la plupart des villes du nord de la Bohême étaient en pente, et avec des conditions climatiques naturelles qui convenaient parfaitement à la culture de la vigne. L’empereur Charles IV fit preuve d’une remarquable clairvoyance, lorsque le 16 février 1358, il émit un décret ordonnant la plantation de vignobles sur toutes les collines qui s’y prêtaient (pour Prague et le 12 mai 1358 pour le Royaume de Bohême). Grâce à lui, le cépage “Bourgogne bleu” (ou Pinot noir en France), apparut dans les vignobles tchèques. Les Tchèques commencèrent à l’appeler “Rouci modré” ou “Cernà aranka”. On cultivait aussi des cépages allemands Nemcina (Traminer), Tarant blanc, Lampart blanc et la variété venant de Hongrie “Klenice” (Gohér).
De gauche à droite : 1) Testament concernant vignoble en Bohême, (1370, encre sur vélin, écriture en latin – collection privée) – Document Scripta Manent Monaco. 2) Gravure coloriée à la main du Pinot Noir (extrait du volume II de l’Ampélographie de Viala et Vermorel. – Document Scripta Manent Monaco. 3) Bréviaire ayant appartenu à Charles IV (1330) – Biblioteca Classense (Ravenna).- Document Scripta Manent Monaco
Le siècle de Charles IV voit naître beaucoup de plats typiques de la gastronomie tchèque. La majorité des repas sont constitués de viandes en sauce, marinées ou cuites dans le vin. En voilà des exemples: Svìcková – le “must” du plat principal tchèque, rôti de boeuf servi avec une riche sauce aux légumes et à la crème, surmonté d’une cuillerée de confiture d’airelles et accompagné de knedliky (quenelles de pain). Il s’agit du plat traditionnel lors des mariages. Nadivka – plat typique de Pâques, sorte de clafoutis salé à base d’oeufs, de chapelure, d’orties hachées et de jambon. Carpe de Noël – au moment de Noël, la tradition veut que l’on serve une carpe dont les filets sont frits dans de la chapelure en escalope. Bramborak – galette (aujourd’hui de pomme de terre, mais au XIV siècle, quand la pomme de terre n’existait pas en Europe, était confectionnée avec de la pâte de pain) à l’ail et à la marjolaine cuites à la friteuse. Il remplace souvent le knedlik comme accompagnement ou se mange tel quel. Parmi les repas rapides typiquement tchèques, il existe les “noyés” (utopenci), des saucisses conservées dans du vinaigre et le fromage frit (smazeny syr), morceau d’edam pané, peu diététique mais très réconfortant quand la température descend. Mais quel était le plat préféré de Charles IV ? C’était le kouglof : un plat qu’il avait goûté pour la première fois à Strasbourg en 1355, l’année de son couronnement comme empereur. C’est peut-être ce plat qu’il aimait tant qui le convainca à faire un grand don a cette ville. En effet, en 1358 Strasbourg, affranchie du pouvoir épiscopal est reconnue ville libre impériale par Charles IV.
Texte de Liana Marabini et illustrations fournies par l’auteur – © 2008 Scripta-Manent Monaco
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