Niguiri de navajas con spray de jengibre © Francesc Guillamet
Tout d’abord, je tiens à préciser que le travail sérieux des scientifiques mérite le plus grand respect et la plus grande admiration. Ensuite le terme de « cuisine moléculaire » vient à la suite du terme « gastronomie moléculaire ». Depuis les années 80, un groupe de scientifiques passionnés par la gastronomie (Nicholas Kurti, Harold McGee et Hervé This entre autres), ont commencé par s’intéresser aux processus physiques et chimiques qui se produisent en cuisine. Ainsi ils travaillèrent pour élucider le “pourquoi du comment” de ces réactions, et ils donnérent ainsi à ces recherches le nom de “gastronomie moléculaire”. En fait les recherches scientifiques était déjà existantes dans la grande industrie alimentaire depuis des décennies, mais dans ce cas précis, le côté novateur était la concentration des recherches sur la cuisine des restaurants et des recettes de cuisine. Nous devons être prudents et remettre les choses dans leur contexte.
Il y a une différence par exemple entre la cuisine que je faisais, il y a dix ans, et ma cuisine actuelle, dans laquelle j’utilise par exemple des nouveaux hydrocolloides (gélifiants ou émulsions). Cependant affirmer que l’utilisation de ces produits est de la cuisine moléculaire, c’est induire les gens en erreur, ce qui peut créer une confusion auprès du public. Comme si un cuisinier qui élabore une mousse ou une vinaigrette obéit à une quelconque raison ou motivation scientifique. Jusqu’à 2003, mes contacts avec le monde scientifique se sont limités à la participation à quelques congrès et à la rencontre de Harold McGee et Hervé This. Mes créations culinaires ont toujours été basées sur la recherche en cuisine et sur l’observation des processus sans appui de scientifiques.
En 1998, nous avons créé avec mon équipe la gélatine chaude, nous avions découvert que l’agar-agar supportait les hautes températures et cela par pure observation. Ce n’est que par la suite en 2003, que nous avons commencé à collaborer avec Pere Castells, un scientifique reconnu et passionné par la gastronomie. Cette rencontre nous a conduit à la création par exemple de la “Fundaciôn Alicia”. Nous avons pu aussi rencontrer d’autres scientifiques, commencer à dialoguer avec eux et mettre en place un système de travail très sérieux pendant un an et demi. Ce qui ne fut pas facile à établir, nos deux mondes sont si différents. Le fruit de notre collaboration fut par exemple, la publication du “Léxico Cientifico Gastronomico”, pour créer un lien entre nos deux mondes.
Alors si encore aujourd’hui, je reste considéré comme le pionnier de la cuisine moléculaire, je tiens à être radical, je crois que ce n’est plus ni moins qu’une opération de marketing lancée par les médias… Même si aujourd’hui, je suis très intéressé par la connaissance des processus scientifiques qui se produisent lorqu’on fait la cuisine… Si l’on parle de cuisiner, la recherche est un plus. La cuisine pour moi c’est connaître (histoire, techniques, les produits, la tradition, la modernité et les processus-recettes de cuisine), penser, essayer, réfléchir, créer et aussi rechercher. Si pour obtenir un résultat final, il est néccessaire de se rapprocher de la science, fouiller dans les livres d’histoire ou encore s’investir dans une autre discipline créative, tout cela est un savoir que nous devons incorporer dans notre philosophie de la cuisine. Toutes ces confusions qui ont été faites sur moi et ma cuisine m’ont amené à créer et écrire la “Sintesis de Nuestra Cocina”, déclinée en 23 points qui définissent ma manière de pratiquer la cuisine. Cette “synthèse” nous sert tous les jours. Je la livre dans le magazine Références Hôteliers-Restaurateurs ».
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