A l’horizon, le soleil illumine les contreforts du massif du Mercantour d’un dernier baiser. Une petite brise apporte les fragrances entêtantes des résines de pin couvrant les montagnes environnantes, tandis que tintinnabule un troupeau de brebis proche.
Le chalet La Fripounière au Col de la Couillole ©Bernard Deloupy
Dans la salle à manger en pin du vieux chalet aux murs tapissés de photos de course en haute montagne et de mandalas népalais, les premiers convives achèvent la salade du potager voisin, nappée d’une huile des Abruzzes à se damner. Les plus gourmands étalent du beurre de ferme sur de larges tranches de pain maison qu’ils recouvrent de charcuteries d’Ardèche de chez Didier Moulin, de haute Corse ( Pascal Flori à Murato) ou de Salers au Cantal. Tous hument déjà les parfums de volaille de Bresse pochée à la crème de ferme , sur son lit d’épeautre et de cèpes qui s’échappent de la cuisine.
Cote de Boeuf de la Fripouniere © Bernard Deloupy
Un homme apparaît, avec la souplesse des hauts savoyards habitués à tutoyer les sommets, quelques assiettes en mains. Il distribue précisions à la volée et suggestions accompagnées d’un clin d’œil complice. « L’entrecôte d’Aubrac de chez Desnoyer ? excellent choix . Ah, vous avez craqué pour mon foie gras mariné au jurançon, bravo ! » « Et vous, Madame, comment avez vous trouvé ce plat ? C’est une recette de Guy Savoy, revisitée à ma façon ».
Patrick Caron en plein travail ©Bernard Deloupy
Ancien cadre dirigeant du Royal Monceau, directeur du Royal Evian puis Directeur général du Palais de la Méditerranée à Nice, Patrick Caron a surpris la profession en rachetant un jour, au faîte de sa carrière, ce gîte d’étape et de séjour au Col de la Couillole ( 1678 mètres d’altitude) entre Beuil-Valberg et Saint-Sauveur sur Tinée dans les Alpes-Maritimes. Histoire de faire rimer ses deux passions, la gastronomie et la montagne. Enthousiaste comme un débutant, il alterne désormais le travail aux fourneaux avec sa compagne Anne-Claude.
Après le service, Anne-Claude entourée de ses chiens patous © Bernard Deloupy
Ce soir-là, le veau de lait en vitello tomato et câpres confinait au sublime. L’été apporte également son lot de pintade fermière de Chalosse caramélisée au miel de sapin aux légumes de la ferme de Malaussène. L’automne, on proposera une poêlée d’escargots de Pierlas. Et l’hiver, on choisira un pot-au-feu de canard ou un lapin grillé cuit au moment, accompagné d’une polenta façon Dolomite avec sa tome de Saint-Martin accommodée au miel et pignons. Le tout arrosé d’une sélection inédite de vins montagnards, Chignin-Bergeron, Arvine du Valais, mondeuse de Savoie, lagrein du haut-Adige ou pinot noir du Tyrol qui appellent à s’essayer à quelques tranches de Beaufort des alpages.
Le potager de La Fripounière, directement du producteur au consommateur © Bernard Deloupy
Le temps de goûter au baba au rhum, à un saint honoré maison qui ravive toutes les régressions infantiles ou une poêlée juteuse de pêches de producteur d’Entrevaux et les premiers accents d’un vieux jazz manouche de Django Reinhard s’invitent. C’est l’heure de se lover dans les canapés, face à l’âtre crépitant, et de goûter à sa sélection d’alcools de mélèze, de gentiane du Haut Doubs, de liqueur de sapin, d’un génépi de derrière les fagots, voire de l’un des 25 whisky d’embouteilleur sélectionnés par le maître des lieux.
Le bar du gîte d’étape, convivialité et chaleur au rendez-vous © Bernard Deloupy
« Patrick a-t-il fait le bon choix ? » s’interrogeront encore certains de ses anciens collègues, certes de moins en moins nombreux, au petit matin suivant. Tandis que, loin des cimes, ils nouent leur cravate club et ajustent le pli de leur costume croisé, l’ex-hôtelier sourit en finissant de servir ses confitures maison à la myrtille et aux framboises aux premiers randonneurs. Il vient de rembourser sa dernière annuité d’emprunt, siffle ses chiens, enfourche son mountain bike et grimpe prestement vers les alpages dans une volée de fleurs des champs…
Le Col de La Couillole, paradis des randonneurs en toute saison et du VTT l’été © Bernard Deloupy
En savoir plus: www.lafripouniere.com
Bernard Deloupy
Étiquettes : Didier Moulin, entrecôte d’Aubrac
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