Couronné 3*** en 2007 au Meurice, Chef de l’Année 2015, Yannick Alléno accroche un nouveau trophée à sa toque au Pavillon Ledoyen-Alléno Paris. Quelques mois seulement après son ouverture, il réussit – ce qui n’est pas un mince exploit- à conserver la récompense obtenue par son prédécesseur Christian Lesquer, dans cette élégante demeure Napoléon III, sur la plus belle avenue du monde, proche des lieux du pouvoir.
C’est aussi un homme pressé. Des cuisines aux plateaux de télévision, de Courchevel à Taïpei, ce travailleur exigeant ne perd pas une minute et une occasion de conquérir le monde à sa philosophie. Son leitmotiv, l’ ADN de la cuisine « à la française », summum de civilisation. D’abord la maîtrise du feu, ce moteur de l’évolution de l’humanité, de la cuisson parfaite, apprise auprès de Bruno Goussault*.
Yannick Alleno © Geoffroy de Boismenu
Une technique qui permet l’extraction des saveurs sous vide et de servir, par exemple, un soufflé d’anguille fumée, réduction de cresson et pain de brochet à l’extrait de céleri plus que parfait ! Et l’art de la sauce, l’art ultime, le graal des fourneaux. « La France – dit-il – a eu la chance d’être le carrefour de l’Europe, vers lequel tout a convergé, les produits, les modes, les voyageurs… La sauce, dans toute sa complexité, permettait d’accommoder le plus modeste morceau de viande.» La disparition récente de la sauce, au nom de la minceur, a fait émerger des goûts venus d’ailleurs…et de tristes « assiettes mono produit ».
La salle © Pavillon Ledoyen – Alléno Paris
Yannick Alléno appartient à cette génération de chefs qui sont allés au Japon, à la découverte du cru et du produit nature pour en retenir l’essentiel : le caractère, la fraîcheur, la légèreté. La gastronomie française c’est tout autre chose, et la sauce, toute une saga qu’il a d’ailleurs écrite*. Alléger sans cesse, réinventer les liants en oubliant la farine et le gras des «roux », réinventer pour associer sans faute de goût, un filet de bœuf, un melon, une asperge et une huître… et faire un chef d’œuvre d’un assemblage disparate ? Cette alchimie signe désormais toutes ses créations culinaires.
Saint-pierre iode cuit à la juste température, poireaux fondus au babeurre coloré © Pavillon Ledoyen – Alléno Paris
Il en revendique l’intelligence : « La cuisine – et le mérite en revient à Ducasse – c’est de comprendre une complexité, de projeter une vision, un regard différent sur les choses ! La qualité du produit y est naturellement essentielle. Elle est le fruit du terroir ! Au sens noble du vigneron ! Non pas celui du folklore, mais celui qui s’enracine dans la géologie, s’épanouit de l’environnement, et concentre tous leurs sucs et saveurs. Yannick Alléno, le gamin de Puteaux, s’est engagé à valoriser le « Terroir parisien », -l’oxymore, apparente contradiction, le plus complet ! – avec un premier bistrot ouvert en 2012 dans le 10éme arrondissement.
Agneau eleve sous la mère au lait epice, semoule egrainee aux condiments et aux éclats de meringue © Pavillon Ledoyen – Alléno Paris
Aujourd’hui une centaine de chefs ralliés font vivre de petites exploitations arrachées à l’urbanisme vorace des banlieues et leurs productions méconnues, choux de Pontoise, asperges d’Argenteuil, pêches de Montreuil, poularde de Houdan :
« Je me suis vraiment mouillé, lorsque un producteur avait eu l’interdiction par arrêté municipal, d’aller en forêt tailler de simples tuteurs pour ses arbres !»
Parlez-lui de New-York et de son mouvement actuel de reconquête des jardins sur les toits et dans le moindre espace vert.« I love New York », mais c’est nous ! Demandez au chef de l’Eleven Maddison Park, Daniel Humm. » – « A l’échelle du « Grand Paris », avec Lorant Deutsch, on continue à défendre la verdure.
Il est temps de comprendre qu’il faut à notre humanité un juste équilibre. Pas besoin de passer du rien au tout. On peut faire de la France un pays où les gamins verront autre chose que des barres de béton et pourront s’y épanouir. » -A propos, de votre enfance ? Une nostalgie ? Le bistrot des parents à Puteaux, les grandes tablées familiales en Lozère ? No comment ! C’est son jardin secret. « Je préfère me réjouir de ces jeunes venus de 45 nations, réunis à l’Institut Bocuse, par l’envie d’apprendre, de créer, de monter leurs entreprises. Ils sont le reflet du monde, le reflet de la vraie vie ». La sienne est partagée entre cuisine, management, transmission et engagement dans une réflexion d’avenir (Le board Paul Bocuse), et médias.
Bogue de coco meringuee en surprise © Pavillon Ledoyen – Alléno Paris
Il est partout, de l’émission Top Chef au micro de Stéphane Bern, sur RTL, délivrant inlassablement son message : seul le travail permet d’arriver au plus haut niveau. Et cela le «révolte plus que tout qu’on dénigre le travail ». Travail, rigueur et discipline, valeurs apprises de ses maîtres, tous meilleurs ouvriers de France : Jacky Fréon, Gabriel Biscay, Roland Durand, Louis Goudard, Manuel Martinez…les seules qui permettent la vraie réussite. Projet immédiat: faire des 3 étoiles du Ledoyen « Alléno Paris » un succès. Et pour cela, changer les cuisines, un investissement qu’il évalue à 2 millions d’euros.
« Partout où j’ai créé un restaurant, j’ai refait les cuisines, par exemple au Stay à Taipei. Je connais le matériel, je dessine les plans… »…
Une de ses fiertés, avoir remplacé sans faute de standing, le lourd service d’argenterie du Meurice, par d’ingénieux plateaux en carbone pour alléger la charge des jeunes serveurs, 15 kilos pour 150 gr de nourriture !
Avec Sébastien Lefort, second en cuisine, et Florence Cane PDG de l’entreprise Alléno, qui compte 1000 salariés : comme créateur ou comme chef d’entreprise, il est bien entouré, ce qui le rend optimiste malgré la taille du défi, briller au firmament.
Adresse:
Pavillon Ledoyen
Carré des Champs-Elysées
8 avenue Dutuit
75008 Paris – France
Réservations restaurant :
Email: [email protected]
Tel : +33 1 53 05 10 01
Références:
*(1) Bruno Goussault, pdg du CREA, Centre de Recherche et d’Etudes pour l’Alimentation
*(2) Sauces, réflexion d’un cuisinier, avec Vincent Brenot, Hachette
Étiquettes : gastronomie, Pavillon Ledoyen, Pavillon Ledoyen Paris, Pavillon Ledoyen-Alléno Paris, Stéphane Bern, trois etoiles michelin, yannick alleno