Guillaume Gomez © Stéphane de Bourgies
Guillaume Gomez est le chef MOF (Meilleur Ouvrier de France) des cuisines du Palais de l’Elysée. Auteur d’un très bel ouvrage : Cuisine pas à pas, avec la complicité du photographe Jean-Charles Vaillant, il nous livre ses secrets d’alcôve…
Références: racontez-nous votre enfance, votre goût pour la cuisine, quelle est votre histoire personnelle ? Guillaume Gomez:
Dès mon plus jeune âge j’ai voulu être cuisinier, pas d’histoire précise autour de la cuisine comme tant d’autres chefs… juste un souhait. « Dès que j’en ai eu l’âge », je me suis dirigé vers un apprentissage. Contre l’avis de mes professeurs de l’époque, qui jugeaient qu’avec les bons résultats scolaires que j’avais, je pouvais « faire un vrai métier »… j’ai démarré un apprentissage, voici 25 ans… une époque où la cuisine n’était pas si glamour qu’aujourd’hui et ou le métier ne se montrait que très peu à la télévision. A cette époque, il est vrai que les classes étaient pleines de jeunes qui étaient là, faute de faire autre chose… Mais paradoxalement, cela pouvait susciter des vocations… tandis que pour d’autres : une réorientation… Nombreux sont ceux qui arrêtaient leur formation. La raison ? Peut être n’étaient-ils pas motivés, ou peut être que leurs professeurs n’étaient pas suffisamment préparés eux-mêmes ? L’époque était différente, le milieu était bien plus dur qu’aujourd’hui, mais pour ceux qui avaient sérieusement envie apprendre, de progresser et d’évoluer dans leur vie professionnelle, tout était possible. Je pense sincèrement que l’on néglige encore aujourd’hui dans ce domaine l’ascension sociale. Même si de gros efforts sont faits, cela n’est pas suffisant… peut être qu’un bon apprentissage après une bonne orientation serait à souhaiter ?
Références: le concours de MOF, avez-vous été surpris ? Etait-ce votre aboutissement personnel ? Guillaume Gomez:
C’est sur des épreuves de concours que certains chefs appartenant aux jurys m’ont dit : « tu devrais tenter le MOF ». Je me suis inscrit, je l’ai passé et je l’ai eu ! J’étais déjà le plus jeune des 650 inscrits en 2003. En arrivant en finale, il me semble que je n’avais rien à prouver à quiconque. J’y suis allé à fond comme j’ai l’habitude de faire tout simplement dans la vie. Je l’ai fait contentieusement et c’était déjà pour moi une belle victoire que d’être en finale. Je n’ai pas ressenti de stress, cela m’a permis de faire mon travail dans de bonnes conditions, de réagir quand il le fallait aux aléas du concours. Donner le meilleur de soi-même pourrait être mon adage. Pour le concours, ce fut au jury composé de 50 chefs qui décidèrent ou pas de l’obtenir… Ce jour de janvier 2004, j’ai su que j’avais le titre de Meilleur Ouvriers de France. Paul Bocuse et Joël Robuchon qui étaient sur l’estrade m’apprirent que finalement j’étais à ce sujet, le plus jeune de l’histoire ! Plus tard pour la remise des médailles, j’ai été choisi par le COET-MOF (Comité d’organisation des expositions du travail) afin de recevoir ma médaille des mains du Président Chirac parmi une dizaine de récipiendaires dans la salle des fêtes du palais de l’Elysée. Quel magnifique souvenir, comme les mots amicaux du Président furent appréciés à mon égard… Il va sans dire que le titre en lui-même m’a permis d’évoluer plus vite au sein de la brigade de la Présidence, Joël Normand qui était à ce moment le chef du Palais de l’Elysée me nomma aussitôt sous-chef de cuisine. A son départ un an plus tard, je passais Chef de cuisine, j’étais l’adjoint du chef Bernard Vaussion.
Références: travailler avec Bernard Vaussion… La vôtre, que préparez-vous au président Macron et à son épouse, Brigitte ? Guillaume Gomez:
Nous sommes au cœur de l’histoire de la cuisine de la Vème république… C’est-à-dire principalement dans la transmission. Je suis le 4ème chef depuis le Général De Gaulle et j’en suis très fier… Joël Normand qui fut l’adjoint de Marcel le Servot, fut remplacé par Bernard Vaussion, son adjoint. J’ai donc pris la place de Bernard puisque que je l’ai secondé durant 8 ans. La cuisine au Palais, bien que garante d’une tradition française n’est pas décalée de la réalité ni hors du temps. Tradition ne veut pas dire non-innovation. Accompagné de mon importante brigade, nous faisons un mélange de cuisine traditionnelle et contemporaine. Une cuisine toujours de saison avec des produits français provenant de tous les terroirs de France.
Références: l’association des Chefs présidentiels, voyages, échanges, que faites-vous à ce sujet ? Guillaume Gomez:
le G20 de la Gastronomie est un club qui a été fondé il y a 40 ans par Gilles Bragard. Quel honneur pour moi d’en faire partie. Ce sont toujours de très intéressants moments d’échanges, d’amitiés et de convivialité à vivre tous ensemble. J’aime la découverte, la culture, les traditions et les mœurs des chefs d’autres pays. Tout cela reste positif, nous ouvre des perspectives, des idées…
Pigeoon Foie-Gras © Jean-Charles Vaillant
Références: le livre, pourquoi un si gros livre qui est dites-vous : « à mettre dans les mains de tous les gourmets », quel est votre objectif ? A qui s’adressent les recettes ?Guillaume Gomez:
Ce livre n’a été pensé et construit que pour transmettre au plus grand nombre d’amoureux de cuisine. La transmission des techniques qui font notre cuisine française : eh bien, toute la planète nous envie ! Mais pour faire de la bonne cuisine, il faut des bons produits, un tour de main technique pour ne pas les saccager et pour les sublimer dans leur moindre expression. J’ai eu cet immense plaisir de proposer des recettes qui illustraient de la plus belle façon ces techniques, nous avons été nombreux à y travailler ! C’est pourquoi le livre est si gros (presque 600 pages !). La cuisine française est riche et complète, je crois qu’elle ne méritait pas moins… Dommage si je n’ai pas réussi à mettre toutes les recettes régionales que je souhaitais, j’ai dû faire des choix… Il aurait pu en faire trois mille ! Mon livre s’adresse à tous, aux jeunes professionnels qui souhaitent acquérir la quintessence même d’un métier ou d’un futur métier.
Références: votre message ? Guillaume Gomez:
A celles et ceux qui débutent ou qui souhaiteraient améliorer leurs techniques, je leur dis : foncez ! Souvent, démarrer en cuisine une recette complexe peut faire peur. Bon nombre de recettes dans des livres semblent en effet à ce sujet, rébarbatives. Avec ce livre et leurs techniques expliquées par plus de 3000 photos en « pas à pas », plus personne ne peut avoir peur. Allez-y et bon appétit pour tous ceux qui vont y goûter et que vous aimez !
Propos recueillis par : Michèle Villemur
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