En 2016, Pierre Gagnaire pourrait être couronné « le meilleur chef du monde », selon les classements médiatisés. Mieux que cela, Pierre Gagnaire nous semble « éternellement jeune ». Pour qui suit l’actualité de la gastronomie depuis quelques décennies, le nom de Pierre Gagnaire est l’un des grands repères de l’évolution, des modes, des fondamentaux de l’art culinaire. Au 6 rue Balzac, plus qu’elle ne résume, la carte en dit long sur une vie au service de la cuisine. Il s’agit d’emporter le convive dans une aventure unique.
Né à Apinac en 1950, près du grand manitou de l’époque, Monsieur Paul (Bocuse), le jeune Pierre Gagnaire a la chance d’y faire ses classes à 15 ans, au cours de l’été 1965. Après un premier stage de pâtisserie au Nelson à Saint Etienne, les années d’apprentissage sont lyonnaises: salade de pied d’agneau, quenelles et poularde demi-deuil !
Pierre Gagnaire © Jacques Gavard
A 19 ans, c’est Pierre Gagnaire, le marin ! Service militaire sur le Surcouf, escorteur d’escadre. Eperonné, en 1970, le navire sombre… avec les petits pois de Pierre et de l’amiral ! Il en reste l’appel du voyage. Après deux ans à sillonner une partie du monde, l’Amérique du Québec à Acapulco, Le Clos Fleuri, le restaurant de banquets où œuvre son papa, contient difficilement le talent qui se confirme ! Pierre y gagne ses premières étoiles en introduisant la grillade de canard au cassis… en lieu et place du jambon demi-sel de la tradition locale. Pierre continue de voyager, et comme les chefs les plus talentueux de sa génération, se laisse séduire par le Japon en 1986, puis plus généralement par l’Asie.
Un bœuf Waygu, un vinaigre Sanbaizu, un anis étoilé du Vietnam, et tant de détails révélateurs, en témoignent dans l’actuel menu « Esprit Gagnaire ». Puis c’est l’aventure de Saint Etienne, une étape décisive. Lorsqu’il emménage rue Richelandière, de 1992 à 93, on en découvre toute l’audace : le nouveau style Art déco de la maison et une nouvelle cuisine qui enthousiasme ou déroute.
Le Michelin ne s’y trompe pas. Il décoche ses trois macarons à un jeune chef, qui allie technique, fantaisie et poésie. Un véritable artiste. L’aventure, cependant, prend fin en 1996. Après la vente de son hôtel particulier, par temps de crise, Pierre Gagnaire décide de monter à Paris, et s’installe au 6, rue Balzac, emmenant avec lui Michel Nave, son bras droit, le superviseur de toutes ses nouvelles entreprises. Une réussite sanctionnée par trois nouveaux macarons (1998).
Le Pierre, Hôtel Mandarin Oriental, Hong Kong© Droits Réservés
Loin de s’en contenter, Pierre Gagnaire met son savoir-faire au service d’établissements à travers le monde. Cette nouvelle page continue de s’écrire, et le chef de rayonner dans un monde plein d’opportunités. De Londres à Las vegas, de Hong Kong à Gordes, de Moscou à Saint-Tropez, plus que de simples “affaires”, des rencontres chaleureuses, de maisons remarquables par leur décorations cosmopolites, autant d’univers pour refléter la créativité d’un chef que tout inspire. Certaines plus que d’autres.
Du Japon, il retient un art du cuit-cru, de la présentation. Redécouvre les vertus de la simplicité. Du Vietnam, de Dannang, il ramène des épices enivrantes dont il a parfumé la pêche locale. De Corée, la conviction que la qualité produit de la douceur ! Nouvelle aventure à Dubaï (meilleur restaurant) dans un monde sans codes – on sert le fromage en entrée – à former peu à peu le goût d’une société sans vrais repères, plus gourmande de pâtisserie que de poisson frais !
Pierre Gagnaire, avec l’âge, est plus séduisant que jamais ; son regard bleu reflète la grande bienveillance qui illumine sa cuisine. Donner de l’émotion, continuer à la susciter après tant d’années… Chacun s’accorde à reconnaître qu’il a l’art de mettre en scène le plus humble des navets ! Que certains de ses plats, tourbillonnent comme des galaxies autour de ces « héros du quotidien », ces cendrillons de la ferme ou du potager. Quelle que soit la virtuosité, ce qui relie ces inspirations, c’est une certitude : chacun des plats doit « être bon » !
Restaurant Pierre Gagnaire – Lotte Hotel Seoul © Droits Réservés
Le vrai secret : le bon, bien fait. Pas de tricherie. Mais des artifices ? En 2001, ce cuisinier respectueux du produit, noue une collaboration qui peut prêter à confusion. L’époque se lasse des canons de la nouvelle cuisine, et un certain snobisme s’émoustille de « moléculaire ». Il engage une aventure expérimentale avec le chercheur chimiste Hervé This, consignée en 2007 dans le livre « Alchimistes aux fourneaux ».
A cette équipe, il convient d’associer l’indispensable Michel Nave, l’homme de la rigueur, de l’exécution parfaite, de la traduction des fantasmes en recettes à déguster ! Où classer ces expériences ? Cuisine moléculaire ? Tours de passe-passe ? Cuisine spectacle ? A travers ouvrages et conférences, le trio s’emploie à balayer les malentendus : Sans doute fascinés par les vapeurs d’azote liquide, « Les gens attendent des choses qui fument, qui pétaradent, mais je ne fais pas les pieds au mur » insiste Pierre Gagnaire en 2009 !
Les Wurtz et Priestley-grand noms de la chimie appelés en renfort- suggèrent des réactions finalement simples et naturelles. Hervé This en produit une par mois, contre la mise en œuvre d’au moins une recette. Dernière en date, le beurre feuilleté ! Une façon unique de rester à l’avant garde de la technique. C’est la gastronomie moléculaire ! « L’art et la science sont séparés, mais rien d’interdit de se parler et de jouer ensemble. Le but tout de même c’est le goût ! Inexplicable … tout ce que m’apporte Hervé, c’est un plus au niveau du goût et pas seulement des trucs pour épater la galerie ! A nous, cuisiniers, de savoir utiliser ces inventions. Vive la gourmandise éclairée ! » Autre défi avec le jazz. Pourquoi ce parallèle ?
« Les pleins et les déliés … le croquant et le bouillon … Le Chick Corea !!! C’est de la cuisine note à note … En 2016, la présence éclatée sur tous les fronts de la gastronomie, mais aussi Internet, permettent à Pierre Gagnaire d’exprimer son message : « La cuisine ne se mesure pas en termes de tradition ou de modernité. On doit y lire la tendresse du cuisinier ». Sur la page d’accueil de son site, une splendide casserole en cuivre où son nom est gravé… et pour seule animation, la petite musique d’une cuisine en pleine action, celle du 6, Balzac. Autrement dit, l’essentiel à ne pas perdre de vue : la cuisine, ça se passe en cuisine. Mais, comme de tous les grands arts on n’a pas fini d’en faire le tour !
Restaurant Pierre Gagnaire
6, rue Balzac
75008 Paris, France
Tel. : +33 1 58 36 12 50
Internet: www.pierre-gagnaire.com
Pierre Gagnaire dans le monde :
Le Sketch à Londres, (2002), Gaya Rive Gauche à Paris, (2004), Pierre Gagnaire à Tokyo, (2004-05), « Pierre » au Mandarin Oriental à Hong Kong (2006), Les Airelles à Courchevel (2007), Reflets à Dubaï (2008), Pierre Gagnaire à Seoul, (2008), Twist au Mandarin Oriental de Las Vegas ( 2009),, Pierre Gagnaire-Tokyo à l’Anna Intercontinental (2009), Les Menus à Moscou, Colette à Saint Tropez ( 2009-10), Les solistes à Berlin, (2013) sans oublier Peir à Gordes, (2015) face à la ligne bleutée des Alpilles au cœur du Luberon, La Maison 1888 à Danang,Intercontinental (2015) et la poursuite d’une collaboration avec le groupe Barrière, Paris ? après Cannes et La Baule … Pierre Gagnaire est aussi annoncé à Saint Petersbourg et à La Grande maison-Bernard Magrez, à Bordeaux, (pas avant les vendanges de septembre 2016).
Restaurant Pierre Gagnaire © Droits Réservés
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