Alain Passard, chef 3 étoiles au Michelin, est un grand passionné. Depuis sa plus tendre enfance, il a cultivé l’amour de la cuisine. Après être allé très loin dans le monde de la volaille et de viande rouge, il s’est consacré, il y a 9 ans, au légume sous toutes ses formes pour en faire un produit noble. Cet adepte de « l’école du feu », a gardé toute sa flamme créatrice intacte. Il répond à nos questions…
Comment avez-vous commencé votre carrière?
A.P. : Ma première grande émotion, je l’ai eu à 12 ans avec la cuisine. Je me suis senti appelé par cette passion comme on entre en religion. J’ai eu la foi par rapport à ce désir. J’ai toujours un rapport très fort avec le geste et la main depuis ma plus tendre enfance… Ma mère était couturière, mon père musicien et mon grand-père… vannier. Par ma mère, j’aurai pu devenir couturier, mais par ma grand-mère Louise, qui faisait très bien la cuisine de façon subtile, j’ai eu une attirance très forte pour le 8eme art. Ma grand-mère Louise avait pris conscience de la passion qui m’habitait, elle me fit découvrir tout ce qu’était le plaisir de régaler, l’excitation du marché, la fièvre des préparatifs et tout ce qui fait d’un repas une cérémonie festive. A 14 ans, je fais mes débuts au Lion d’Or de Liffré, chez Michel Kéréver, un des rares« étoilés » bretons en son temps. J’apprends avec lui la technique, la grande, la classique mais aussi le service des banquets et ses recherches comme le chaud-froid de volailles, les langoustes en Bellevue, les pièces montées, les poulardes demi-deuil… C’était un grand saucier et un grand rôtisseur aussi… Huit ans plus tard, je fais mon entrée à La Chaumière chez Gaston Boyer, trois macarons au guide Michelin. Auprès de Gaston Boyer, qui pratique une cuisine d’un grand classicisme, je m’enrichie d’expériences nouvelles, je reste deux ans à la Chaumière. Puis, il y a ma grande rencontre avec Alain Senderens à l’Archestrate (qui par la suite deviendra L’Arpège au 84 rue de Varennes). Dans son restaurant règne une atmosphère exceptionnelle. Dans sa petite cuisine, où s’affaire son équipe, j’ai vraiment eu le sentiment de connaître le baptême du feu avec une relation forte avec la flamme… Mon inspiration est surgie de là. Après trois ans passés dans cette effervescence, j’entame ma propre carrière. Et c’est à 26 ans au casino d’Enghien dans le restaurant Le Duc d’Enghien, que j’obtiens deux macarons au guide Michelin. Ensuite c’est au Carlton de Bruxelles que j’obtiens une puis deux étoiles Michelin.
L’Arpège est un restaurant de passion, est-ce exact?
A.P. : Finalement en 1986, je crée l’Arpège anciennement l’Archestrate (d’Alain Senderens) à l’angle des rues de Varenne et de Bourgogne. Dix ans après mon ouverture, j’obtiens la plus élevée des récompenses : trois macarons au guide Michelin. Juste avant, j’étais le plus jeune deux macarons de France. J’ai baptisé mon restaurant l’Arpège en hommage à la musique, ma seconde passion. Le décor y est très “Art Déco”, c’est un style que j’affectionne tout particulièrement. Quand à ma cuisine, celle-ci répond à des principes culinaires très élaborés: cuisson juste et parfums raffinés autour de la matière végétale. En effet, c’est en 1999 que j’ai eu une rupture avec le « produit animal », ainsi aujourd’hui je ne travaille que le « végétal », à la façon d’un couturier…ou d’un artiste-peintre ou d’un musicien, je crée une esthètique et des saveurs… En travaillant le végétal, jai trouvé des appuis créatifs forts autour des produits de saisons entièrement « bio » traités sans techniques moléculaires, cuits tout simplement avec les techniques classiques. Pour moi « l’école du feu » est sacrée…
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