Philippe Etchebest, deux étoiles Michelin 2008, est en cuisine comme sur un ring. Quarante ans à peine et déjà une légende ! C’est un homme pressé qui « se jette en cuisine comme on monte sur un ring », disent de lui ses proches. Le nom, la corpulence du rugbyman, Philippe Etchebest est un physique, un « tactile », digne héritier de son ascendance basque. Son père faisait déjà courir tout Bordeaux vers son Chipiron à la sincérité typique du sud-ouest. « J’ai toujours voulu jouer en première division ». Philippe Etchebest va bien aux vieilles pierres de Saint-Emilion, authentiques et vraies. Dans ce jeune homme tout d’une pièce, on perçoit illico besoin d’enra-cinement, de valeurs, refus de la tricherie. Ni calcul, ni affectation, sa cuisine est l’ expression de sa nature profonde. A l’école de rigueur d’un Dominique Toulousy, il acquiert précision, virtuosité. Des techniques et des modes actuelles, il connaît le moindre secret. Il n’est pas en reste avec la génération des alchimistes et des esthètes. Ce Meilleur Ouvrier de France, cultive son excellence comme ses muscles ! « Je suis un homme de défis permanents. Le rugby, la moto, la boxe aujourd’hui, c’est ma vie parallèle ». Besoin de cogner pour garder un mental de champion et tenir la direction d’une maison aussi exigeante que l’Hostellerie de Plaisance.
Les plats de Philippe Etchebest
Outre son plat culte, le foie gras poêlé sur une pâte à raviole et champignons de saison, cochon de lait, pigeon fermier, gros rougets et saint jacques de Normandie, tiennent les premiers rôles au gré du marché du jour. Ce jour là, une côte de veau de lait de pays, de grosses asperges blanches d’ici. Une crème de foie gras aérienne, un gressin de parmesan, les mise en bouche avertissent : on est chez un chef pâtissier, un éternel enfant qui réalise pour vous son pêché de gourmandise. Suivra une ribambelle de défis du jour.
« J’aime improviser jusqu’à la dernière seconde ! » Il suffit de s’en remettre au flair de Christophe Mitton, le maître d’hôtel, pour choisir : version classique, ou touche exotique ? Ainsi, pas d’erreur d’aiguillage sur ce parcours de saveurs jalonné de l’ormeau sauté posé sur lit de « noodles » aux algues et flan de bonite séchée ; l’œuf de poule, « jabugo 5 jotas », sur un lit d’œufs de poisson volant, wasabi, asperge, crumble et mousse de lait parmesan ; la langoustine rôtie, spaghetti de concombre/cumin, jus de crustacés acidulé, un croustillant de noix de cajou… iodé, amer, frais, croquant ! Influences thaïes, basques, latinas. Une escorte particulièrement recherchée flatte l’agneau princier du pays de Gironde, piment piquillo, pomelo, vinaigre balsamique, graine de quinoa, tapenade réglisse, soy sauce. Le parfum, l’acidulé, l’herbe, l’épice, jouent à cache-cache.
« J’utilise les épices avec parcimonie. J’en ai appris le travail avec un de mes maîtres, Jean-Marie Meulien, du temps du « Clos Longchamps » au Méridien Paris. Je suis allé à Bangkok assez tard, en 2007. Mais arrivé là-bas, j’ai tout de suite reconnu ces saveurs. J’ai su que j’étais en plein dedans grâce à ce chef qui les avait découvertes avant qu’elles ne soient à la mode ».
« De toutes façons c’est simple, je suis out of modes ; Chez Ferran Adria à « El Bulli », j’ai été complètement bluffé, stupéfait par ce magicien hors pair. Mon ami Thierry Marx a plongé très vite dans la « cuisine moléculaire ». Moi pas. Ce n’est pas moi. Ca ne m’empêche pas de m’amuser à en glisser ici ou là. Cette petite boule rouge sur le cornet, qui rappelle un bonbon, attention, ça explose, c’est drôle et bon. Mais pas plus ! Moléculaire, épices, ce sont des techniques, des touches, des subterfuges à utiliser avec sobriété. Le principal, c’est tout de même le bon produit et ce cœur que le chef veut y mettre. » Du cœur, pour sûr, il en a Philippe Etchebest, pour exprimer son talent. Sur ce terroir de Saint-Emilion, il a trouvé la belle harmonie entre des goûts classiques et des mises en valeur très contemporaines. Pour le plaisir des yeux et des vins, la cave exposée en salle recèle ses reliques, un vrai trésor. Le bon accord avec les vins, naturellement, la question ne se pose pas ici, chez un des grands seigneurs du bordelais. Justement si. « Nous avons une carte ouverte sur des vins du Val de Loire, des Bourgogne, des Languedoc-roussillon. Nous n’imposons pas. Certains clients surpris nous disent qu’ils n’auraient pas osé faire une entorse au terroir local ». On oublierait le principal si on omettait de souligner la palette des couleurs et des textures, de l’entrée aux desserts. Le ton chaud d’un mousseux jivara/passion, croise la gelée de citron dans de drôles de compositions rafraîchies de sorbet ricqlès. Le plaisir des yeux précède celui des papilles et l’ouvre. Un rêve prend forme dans une construction archi-tecturale poétique empreinte de légèreté. Le chef puissant a laissé la bride sur le cou du bon petit diable qui est en lui. L’insouciance de l’enfance.
Ainsi, au sommet de la cité médiévale de Saint-Emilion, l’un des plus anciens et plus nobles vignobles du bordelais, dans la cité médiévale qui a décroché ces dernières années son classement au patrimoine mondial de l’Humanité, l’Hostellerie de Plaisance a fait une mue toute en discrétion, classe et sérénité. Relooké par Alberto Pinto, l’hôtel de Chantal et Gérard Perse*, se contente d’épouser le décor ambiant, un luxe inestimable, puisque ce sont des siècles de pratique vineuse souveraine, comme une petite Principauté du meilleur vin du monde ! Nul besoin d’étaler le luxe, quand des millénaires de calcaire vous fraient un passage troglodyte entre les différents niveaux de la maison, adossée à la célèbre église. La salle à manger joue la sobriété de la pierre, du chêne cérusé, des tons de gris, simplement rehaussés par de magnifiques lustres de ferronnerie et des appliques martelées or. La vaisselle de Bernardeau, toute simple, s’orne de quelques motifs d’or et de platine, dessinant des niches où le chef viendra déposer ses surprises.
Philippe Etchbest
Hostellerie de Plaisance
Place du clocher
33330 Saint-Emilion
Tél.33 (0)5 57 55 07 55
Service de 12h à 13h30 et de 19h30 à 21h30
Restaurant fermé le mercredi midi, le dimanche et le lundi toute la journée
Menu d’ici et d’ailleurs 55 euros
Menu découverte : 95 euros,
120 Euros avec un plat en plus
Forfaits vins : 50, 75, 80 euros
(3,5 ou 6 verres)
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